Article Biocontact (11/2021) – La sensibilité au gluten – Variété et qualité pour tout réparer !
Fatigue, maux de tête, anxiété, esprit embrouillé, douleurs musculaires ou articulaires, dépression ou bien encore troubles digestifs divers… Vous avez consommé moins de gluten quelques jours et vous vous portez mieux ? Et si vous aviez une sensibilité au blé ? Ceux qui vous disent que c’est dans votre tête n’ont pas encore lu les études des 20 dernières années sur le sujet. Alors, qui est sensible au blé ? Pourquoi ? Comment la détecter ? Et surtout quelles sont les prises en charge efficaces pour retrouver sa pleine santé ?
De plus en plus de personnes, ne présentant pas de maladie cœliaque (voir encadré), ayant un syndrome de l’intestin irritable ou autres, se mettent à manger sans gluten avec une amélioration de leur symptômes. On les appelle les sensibles au gluten non cœliaque (SGNC). Ils seraient les descendants des indigènes européens chasseurs-cueilleurs, non adaptés à la consommation de certaines céréales. Ce sont principalement les personnes aux gènes HLA DQ2, DQ8 puisque 50% d’entre eux seraient peu compatibles à la digestion du gluten, soit 15% de la population. Leur système immunitaire réagit au gluten et/ou à d’autres éléments contenus dans le blé, nous allons le voir. Mais qu’a-t-il pu bien se passer dans nos assiettes pour que depuis sa première description en 1978 dans le magazine scientifique The Lancet, cette sensibilité qui concerne principalement les femmes (1 homme pour 6 femmes) ait explosé ?
Le gluten, c’est quoi ?
Tout d’abord, le gluten est une protéine que l’on retrouve dans certaines céréales (seigle, blé, orge, triticale, kamut, épeautre. On considère aujourd’hui que l’avoine ne contient pas de gluten). En réalité le gluten apparait lorsqu’on mélange l’eau aux farines de ces céréales. Les glutéines (bâtonnets qui confèrent son élasticité à la pâte) vont s’associer aux gliadines (boules qui apportent viscosité et extensibilité) sous l’effet de l’eau et de la force mécanique du pétrissage. C’est ainsi que la partie protéique gluten est formée.
Cette protéine agit comme une colle d’où le nom de GLUten.
Pour le Dr Alessio Fasano, gastroentérologie pédiatrique au Massachusetts General Hospital à Boston – un des plus grands experts mondiaux du gluten, cette protéine est la plus dure à digérer. Une protéine est un long collier de perles nommées acides aminés. Que ce soit dans notre bouche, notre estomac ou notre intestin, les enzymes digestives (petits ciseaux qui permettent de découper les aliments pour que nous puissions les absorber) mettront plus de 20h pour en venir à bout voir n’y arriveront pas du tout. Ce gluten reste alors sous forme de peptides (association de quelques acides-aminés). Et ça, c’est un problème ! Car le corps humain ne peut absorber et reconnaitre que les petites molécules appelées monomères (glucose pour les sucres, acides gras pour les graisses et acides aminés pour les protéines). Ce n’est que sous cette forme simple qu’il pourra y avoir une destruction de l’identité antigénique de l’aliment c’est-à-dire, de permettre à la nourriture absorbée d’être reconnue par notre système immunitaire comme faisant partie du soi. Concrètement, une activation de l’immunité innée, première défense de notre corps va se mettre en place pour attaquer cet envahisseur non reconnu et pourra créer de l’inflammation voir abimer ce qu’il y a autour, nos organes par exemple. Le Dr Alessio Fasano a également commencé à séquencer les protéines des différents gluten. Il a pu retrouver les portions qui vont déclencher une réaction immunitaire, celles qui inflamment l’intestin ou bien encore rendent l’intestin perméable en activant la zonuline.
Cette protéine découverte en 2000, est la serrure qui permet d’ouvrir les portes de l’intestin, laissant passer aliments non digérés et toxines. Le gluten en est la clé principale. Les scientifiques reconnaissent que cette perméabilité est impliquée dans les maladies auto-immunes et le syndrome de l’intestin irritable. Jusqu’à présent plus de 140 maladies ont été associées au gluten ! Le gluten peut également être source de compulsions alimentaires puisque certains peptides du gluten appelés gliadomorphines peuvent se loger sur les récepteurs opioïdes de notre cerveau (les mêmes que l’opium), déclenchant une addiction. La perte de poids liée à ce changement alimentaire peut donc venir de cette désaccoutumance.
Du « gluten caché » dans les produits transformés
Nous l’avons vu, le gluten permet d’apporter de l’élasticité et de la légèreté aux préparations et rend les pâtes résistantes à la cuisson. Il est pour cette raison de plus en plus présent comme additif dans les produits transformés. Aujourd’hui, 30% des produits des supermarchés contiennent ainsi du blé ou du gluten. Un peu comme il existe le « sucre caché », il existe dorénavant le « gluten caché » dans certains fromages, vinaigres, glaces, chips, confitures, etc…
Des blés modernes au gluten moins digeste
L’homme a commencé à consommer des céréales il y a 10 000 ans, dans le Moyen-Orient. Les plants de blé d’avant la révolution agricole étaient plus grands. Leur taille a été réduite pour pouvoir supporter le poids de nouveaux grains plus lourds suite à l’apport d’engrais (nitrates et phosphates : anciens composants des bombes restées inutiles après-guerre). Ces nouvelles variétés, peu compétitives contre les mauvaises herbes, ont dû être associées aux pesticides. Les blés anciens contenaient 30% de gluten contre 15 à 20 % pour les blés modernes, mais ceux-ci sont devenus moins digestes. La force élastique du gluten nommée W est calculée en Joules. De 30 à 60 joules pour les blés ancien, elle est de 150 à 350 joules pour les blés modernes. Cette élasticité facilite la transformation et la rend plus rapide. C’est plus rentable. Il est déjà difficile de casser un élastique. Or, le travail de nos enzymes pour digérer ce nouveau gluten est aujourd’hui 5 à 7 fois plus important.
Une sensibilité au blé plus qu’au gluten
Seule la moitié des SGNC sont intolérants à la gliadine du gluten. Alors oui, il en existe plus de 1000 différentes, les résultats aux tests diagnostics peuvent donc être de faux négatifs, mais aujourd’hui, nous devons bien parler de sensibilité au blé plus qu’au gluten puisque les études pointent du doigt d’autres composés du blé :
- Les fructanes : sucres à chaînes courtes faiblement absorbées qui fermentent facilement en présence de nos bactéries intestinales pouvant provoquer ballonnements, diarrhées, colites ou flatulences.
- Les inhibiteurs de l’amylase trypsine : protéines qui empêchent l’action de nos enzymes digestives.
- Les pesticides : le glyphosate (Roundup de Monsanto, racheté par Bayer en 2017) qui a également des propriétés antibiotiques à large spectre est retrouvé communément dans les céréales non bio (farines et produits transformés). Cet apport hautement inflammatoire affecte, malmène voir détruit l’équilibre de notre microbiote qui comprend les bactéries, virus, champignons (levures), garant de notre bonne santé. Le Pr. Seneff, chercheur au Massachusetts Institute of Technology, a d’ailleurs pu retrouver une correspondance presque parfaite entre usage du glyphosate et augmentation de la maladie cœliaque, tout comme pour le cancer de la thyroïde, le diabète, l’autisme, la démence sénile.
- Les additifs des produits transformés : les émulsifiants ou agents de texture perturbent notre microbiote et enflamment notre intestin. Pour améliorer notre digestion du blé, le collectif sicilien Simenza a regroupé un millier de producteurs bio qui ont repris la culture de blés durs siciliens antiques (timilia, russello, tumminia, valdibella, cappelli, argherito, etc). Ces anciennes variétés de blé cultivées sans herbicide ont montré dans les études un impact bénéfique sur la digestion même chez la plupart des SGNC. Il y a du bon à consommer bio et non transformé.
Mieux digérer avec le pain au levain et le trempage des céréales
Les plantes contiennent des anti-nutriments pour se protéger (phytates et lectines pour les céréales , les légumineuses et le soja) en provoquant des troubles digestifs chez les insectes. Afin de mieux les digérer, nos ancêtres trempaient et fermentaient ces aliments pour en éliminer une grande partie. Alors du pain, oui mais idéalement de petit épeautre et toujours au levain. La vraie fermentation longue du pain au levain (24 à 48h) permet en plus de prédigérer en grande partie le gluten. Le levain aura alors le temps de décomposer le gluten en monomères qui pourront passer la barrière de l’intestin sans être attaqué. La mention « au levain » en grande surface n’est pas suffisante, car la fermentation ne durera que 2h.
Troubles digestifs : est-ce forcément le blé ?
Les troubles digestifs et/ou extradigestifs ont de nombreuses origines possibles : trop faible acidité de l’estomac, mauvaise qualité de la bile, carence en enzymes digestives, syndrome de fatigue chronique, sensibilité chimique du foie, troubles de la glycémie (quantité de sucre dans le sang), déséquilibre du microbiote et SIBO (pullulation bactérienne) ou candidose (pullulation des levures ou champignons) dans l’intestin grêle. Des questionnaires basés sur le recoupement des symptômes permettent d’identifier l’origine de ces troubles pour adapter la prise en charge nutritionnelle selon la cause. Si une sensibilité alimentaire est retrouvée, il faudra alors adapter la prise en charge selon les cas.
Comment savoir si l’on est sujet à une sensibilité au blé ?
Concrètement, si vous avez de nombreux symptômes associés, il vous faudra d’abord exclure une maladie cœliaque avec votre médecin grâce à un dosage sanguin des anticorps dirigés contre la transglutaminase et l’endomysium, car les conséquences d’une maladie cœliaque non décelée sont trop importantes pour la santé. Certains vont rechercher par la suite des Anticorps IgG, mais nous avons vu plus haut que seuls 50% des SGNC sont positifs, cela laisse une belle marge d’erreur. Toutefois, sa présence peut indiquer un problème de perméabilité intestinale surtout si l’on retrouve d’autres hypersensibilités associées. Pour les experts, le meilleur test de la sensibilité au gluten reste le test génétique HLA DQ2 DQ8 qui indique une prédisposition maladive au gluten, mais il est peu réalisé. De plus, rappelons que seuls 50% des SGNC sont porteuses de ces marqueurs de prédispositions génétiques. On ne pourra donc, établir un diagnostic qu‘au moyen d’une procédure d’exclusion. Le diagnostic sera confirmé par une régression des symptômes dans le cadre d‘une alimentation sans gluten et par une nouvelle aggravation après la réintroduction du gluten deux à trois semaines plus tard. Si vos problèmes de peau, de digestion, vos douleurs disparaissent, que votre humeur et votre sommeil s’améliorent alors oui, vous êtes probablement SGNC. Parfois, cette sensibilité est passagère. Une exclusion de 6 mois et une prise en charge globale pour renforcer votre digestion, réparer votre intestin et soulager votre foie vous permettra surement d’en consommer à nouveau, en moindre quantité et surtout de meilleure qualité.
Manger sans gluten au quotidien
Il n’ y a pas de carence à manger sans gluten, bien au contraire. C’est l’occasion de varier votre alimentation et de consommer plus d’aliments nutritionnellement denses apportant plus de couleurs et donc une plus grande richesse en vitamines, minéraux, antioxydants indispensables pour retrouver une vraie vitalité et renforcer votre système immunitaire. Riz basmati, quinoa, avoine trempé la veille, sarrasin, lentilles de toutes les couleurs, patates douces, pommes de terre, pois chiche, etc… deviendront vos nouveaux alliés. Salades, guacamole, plats à base de légumes, viandes, poissons et œufs, protéines végétales, soupes, graines oléagineuse, quiches et galettes de sarrasin, gâteaux à la poudre d’amande… apporteront protéines, graisses et éléments indispensables à votre reconstruction. Les produits transformés estampillés « sans gluten » même en bio, sont souvent chargés en additifs et sont pauvres nutritionnellement. Pour Luigi Greco gastro-entérologue à l’Université Federico II de Naples : « Les aliments naturels sans gluten sont la véritable thérapie de la maladie cœliaque et de la sensibilité au blé ». Vous l’avez compris, la consommation quotidienne de grande quantité de gluten ou de blé n’est pas idéale pour notre santé. Même si la majorité des gens ont la capacité de réparer en quelques heures leur paroi intestinale suite au passage du gluten, une prévention par la mise en place de rotations alimentaires permet, en réduisant sa consommation et en variant son alimentation de réduire l’inflammation. Cette variété qui enrichit notre microbiote est la clé pour renforcer notre digestion. Plus de produits bruts de qualité et exempts de pesticides, moins de produits transformés avec moins d’additifs. Ainsi, si dans l’avenir, la sélection de matières premières était rigoureusement qualitative, cette nourriture bienfaisante suffirait-elle à infléchir cette courbe croissante de personnes fragilisées par le blé ?
Mémo de la maladie cœliaque
Définition : Maladie auto-immune où les anticorps vont venir attaquer le gluten et créer de l’inflammation. La muqueuse intestinale est endommagée et limite l’absorption des nutriments.
En constante augmentation : 4 fois plus que dans les années 50.
Causes : Prédisposition génétique (HLA DQ2 ou DQ8) + perméabilité intestinale + déclencheur environnemental qui provoque la réaction du système immunitaire (ici le gluten ou le glyphosate contenu dans le blé, etc…).
Difficile à soupçonner : 200 à 300 symptômes digestifs ou extra-digestifs sont associés à cette maladie dont 50 sont assez fréquents ce qui rend les diagnostics souvent tardifs.
Diagnostic faussé : Il existe beaucoup de faux négatifs. En 2010 une étude australienne a identifié plus de 400 nouvelles formes de gluten dont 10 % sont plus indigestes et plus toxiques que l’alpha gliadine – la protéine recherchée dans la maladie cœliaque.
À tout âge : cette maladie peut se déclencher vers 40 ou 50 ans et pas forcément dans les premiers mois de la vie ou ne pas être identifiée à temps entrainant d’autres maladies auto-immunes associées A rechercher selon les protocoles : en cas de diabète de type 1, de thyroïdite de Hashimoto et de maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI)