Article Biocontact (05/2022) Quelle alimentation pour mon enfant ?
Article en couverture du Biocontact de mai 2022 - Dossier : Cantine Bio et locale

Ces dernières années, alors que les problèmes de santé explosent chez les
enfants, des centaines de pesticides et d’additifs se sont glissés dans leur
nourriture : colorants, émulsifiants, stabilisants, gélifiants et épaississants,
conservateurs et édulcorants. Les douleurs intestinales, constipations, troubles
de l’attention avec hyperactivité encore appelés TDAH, eczéma, migraines,
troubles du spectre autistique seraient-ils liés à ces intrus ?
Quelles sont les nouvelles données concernant les pesticides et la santé ?
Manger bio protège-t-il nos enfants uniquement des seuls pesticides ou a-t-il
d’autres avantages ? Quels sont les signes qui vous permettront d’identifier que
votre enfant est plus réactif aux pesticides ou aux additifs ? Quelles sont les
solutions pour protéger nos enfants ?
Manger bio : meilleur pour la santé – actualisation des données
L’Inserm, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, a mis à
jour le 19 novembre 2021 un rapport d’expertise collective : « Pesticides, effets
sur la santé ». Les pesticides, rappelons-le, regroupent l’ensemble des produits
utilisés pour lutter contre les espèces végétales indésirables et les organismes
jugés nuisibles. Ils suscitent de nombreuses inquiétudes concernant leurs effets
possibles sur la santé humaine, et plus largement sur l’environnement. Cette
expertise collective aborde une vingtaine de pathologies dont les troubles du
développement neuropsychologique et moteur de l’enfant, les troubles cognitifs
et anxiodépressifs de l’adulte, les maladies neurodégénératives, les cancers de
l’enfant et de l’adulte, l’endométriose et les pathologies respiratoires ainsi que
thyroïdiennes.
Les études épidémiologiques sur les cancers de l’enfant permettent de
conclure à une présomption forte de lien entre l’exposition aux pesticides de la
mère pendant la grossesse ou chez l’enfant et le risque de certains cancers, en
particulier les leucémies ainsi que le lien avec l’augmentation des troubles du
comportement tels que l’anxiété́ chez les enfants. Les données expérimentales
sur des rongeurs suggèrent même une hyperperméabilité́ de la barrière
hématoencéphalique (barrière qui protège le cerveau) aux stades les plus
précoces du développement, facilitant l’entrée de métaux lourds comme
l’aluminium dans le cerveau.
Les études indépendantes sur le glyphosate (Roundup de Monsanto, racheté
par Bayer), retrouvé notamment dans les produits céréaliers issus du blé non bio,
montrent qu’il serait présent dans les urines de l’ensemble de la population. Ces
produits détruisent les bonnes bactéries dans l’intestin et ce déséquilibre permet
aux bactéries pathogènes opportunistes de proliférer et de prendre le dessus en
entrainant ces nombreux déséquilibres de santé.
Les pesticides aiment le gras
Le gras c’est la vie, mais étant lipophiles (aimant le gras), les pesticides
vont se retrouver principalement dans le beurre, les huiles, la purée
d’oléagineux, les produits issus de la noix de coco et les graisses animales. Il
sera donc important de sélectionner des graisses originelles de qualité bio, pour
limiter les résidus dans le cerveau, le sang, le lait maternel ou encore le sperme.
Moins d’additifs aussi dans les produits bio
Selon la définition de l’Autorité européenne des aliments (EFSA), « les
additifs alimentaires sont des substances ajoutées intentionnellement aux
denrées alimentaires pour remplir certaines fonctions technologiques, par
exemple pour colorer, sucrer ou aider à conserver les aliments ». Les industriels
de l’agroalimentaire les utilisent pour que leurs produits se conservent plus
longtemps, qu’ils aient meilleur aspect ou meilleur goût.
En 1903 déjà, Harvey Wiley, chimiste commissionné par le ministère de
l’Agriculture des USA, publie un premier compte-rendu qui conclut que le
borax, l’acide borique, l’acide salicylique, l’acide benzoïque, les benzoates, le
formaldéhyde, l’acide sulfurique et les sulfates sont dangereux lorsqu’ils sont
ajoutés aux aliments.
Dans les années 1970, le pédiatre américain Benjamin Feingold alertait le
monde du pouvoir des colorants, des arômes artificiels et de la consommation
excessive des salicylates (moyens de défense des plantes retrouvés dans
l’alimentation, notamment la noix de coco, les oléagineux, le miel, l’huile
d’olive, les fruits, le vin, mais aussi les médicaments, les produits de toilette et
les parfums). Ils favorisaient selon lui l’hyperactivité chez les jeunes enfants.
En 2007, la revue médicale britannique The Lancet rend à son tour les
agents additifs responsables de l’hyperactivité chez les enfants, mais également
la montée des allergies, de l’hypercholestérolémie et des maladies
cardiovasculaires.
Deux semaines sans additifs et sans pesticides suffisent pour améliorer la
santé des enfants.
Pendant 15 jours, les enfants de l’école primaire australienne de Nana Glen
réalisent, avec l’aide de la nutritionniste Sue Dengate et avec le concours des
parents, l’expérience suivante :
15 jours de repas faits maison, bio et sans
additifs ! Cette étude mettra en évidence :
– une amélioration de la concentration (les enseignants remarquent que les
enfants sont moins impulsifs et qu’ils écoutent mieux) ;
– une diminution des punitions et des retenues (0 contre 6 en moyenne
chaque semaine) ;
– une diminution de l’agressivité et une meilleure socialisation chez
certains enfants : l’une dira « Les autres me laissaient seule parce que je faisais
des colères, maintenant ils jouent avec moi. » ;
– les parents remarqueront, eux, une diminution des crises : « Mon enfant
ne dit plus non à tout. », un meilleur sommeil : « Je me sens mieux parce
qu’avant j’avais du mal à m’endormir. » ;
– moins d’incontinence, de maux d’estomac, et d’éruptions cutanées ;
– une limitation des allergies, le foie de ces enfants ayant eu une belle
pause pour se reposer.
Pour Sue Dengate, il reste difficile pour les parents de choisir des aliments
sains permettant d’être heureux et de bien apprendre. L’intérêt du bio réside
donc au-delà de l’absence de pesticides à la limitation des additifs, le nombre
d’additifs autorisés en bio étant nettement plus faible qu’en alimentation
« conventionnelle » : 47 au lieu de 338. Les exhausteurs de goût, arômes
artificiels, colorants et édulcorants y sont notamment interdits.
Notez que les aliments ultra-transformés sont les principaux pourvoyeurs
d’additifs.
Comment savoir si les troubles de votre enfant sont liés aux
pesticides ?
Voici quelques pistes pour les enfants, extraites du livre What’s Eating your
Child ? de Kelly Dorfman :
– l’apparition des symptômes est-elle aléatoire d’un jour à l’autre avec le
même type d’aliment ? Un jour les raisins passent sans souci, le lendemain, ils
produisent de l’urticaire ;
– l’enfant a-t-il les joues rouges ou des irritations de peau qui vont et
viennent sans raison apparente ?
– est-il en permanence très sensible aux stimulus type
son/lumière/température ?
– se plaint-il de démangeaisons ou d’irritations dans la gorge ?
– montre-t-il tous les signes d’allergie, en dépit de tests négatifs ?
Ce sont tous des signes typiques d’enfants qui ont une fragilité du foie, que
l’on peut heureusement rééquilibrer en douceur lors d’une prise en charge. Taty
Lauwers, auteure de nombreux livres de nutrition, décrit que « ces enfants
n’arrivent plus à gérer la pollution en général, même les poisons végétaux »
(qui permettent aux plantes de se défendre contre les levures et les moisissures).
Cela se « traduit par une inflammation quasi chronique sur le plan digestif,
nerveux et dermatologique ».
Comment les jeunes perçoivent-ils la bio ?
Lors d’ateliers à l’école, un diététicien peut se rendre compte de
l’engouement des enfants pour l’alimentation exempte de pesticides. Ils
comprennent alors le lien entre la pollution des sols, de l’air et de l’eau et la
diminution des petites bactéries dans les sols et des insectes pollinisateurs.
L’image de petits déjeuners dans des mondes avec ou sans abeilles, utilisée au
cours d’activités, est édifiante et permet aux enfants de comprendre que prendre
soin des abeilles leur permettra de continuer à se nourrir. Les enfants peuvent à
partir de là devenir prescripteurs d’une alimentation plus saine auprès de leurs
parents et grands-parents.
Les jeunes adeptes de la « fast-food » seraient plus touchées par les
allergies, l’eczéma et l’asthme
L’étude ISAAC (International Study of Asthma and Allergies in
Childhood) est issue d’une collaboration entre chercheurs néo-zélandais,
allemands, espagnols, anglais et australiens. Elle a regroupé des données de
319 196 adolescents âgés de 13 à 14 ans dans 51 pays différents et de
181 631 enfants âgés de 6 à 7 ans dans 31 pays et a démontré que plus les
enfants mangeaient au fast-food, plus ils étaient touchés par les allergies,
l’eczéma et l’asthme. Pour ceux qui y mangeaient trois fois par semaine ou plus,
le risque d’asthme sévère était augmenté de 39 % et celui d’eczéma ou de
rhinoconjonctivite de 70 %.
Comment faire aimer les légumes aux enfants ?
Amusez-vous !
Avant tout, le légume doit être frais, coloré, vivant ! L’enfant peut, avec ses
parents, dès le plus jeune âge, découvrir les légumes en allant visiter les
maraîchers ou plus simplement en allant chercher le cageot de légumes d’une
AMAP. Quelle surprise va-t-on recevoir cette semaine ?
En tant que parent, il faut intégrer un peu de légumes à chaque repas,
profiter de la faim des enfants pour leur proposer un apéritif de crudités à
piocher dans des verres pendant que vous terminez calmement de préparer votre
dîner.
Laissez l’enfant choisir les légumes et les fruits qu’il aimerait manger
aujourd’hui ou demain et laissez-le les cuisiner avec vous.
Le légume doit avoir bon goût. Local, sans pesticides ni réfrigération mais
au contraire cueilli à maturité. Ces fruits et légumes là seront dévorés, ce qui ne
sera pas le cas de ceux retrouvés dans beaucoup de cantines ou de grandes
surfaces.
Proposez à vos enfants de visionner avec vous Il était une fois… la Vie sur
la digestion, disponible gratuitement sur YouTube, et faites-leur découvrir, par
exemple, l’intérêt des fibres pour nos bonnes petites bactéries qui aideront la
police de notre corps à nous défendre contre les intrus. Les vitamines et
minéraux présentés dans ce dessin animé permettent de mieux les identifier et de
les retrouver dans les aliments de nos assiettes, comme la vitamine D sur ses
rollers ou les fibres en forme de haricots verts.
Racontez leur l’histoire des légumes qui s’amusent dans le petit toboggan
œsophage avant de plonger dans la piscine estomac et de prendre de l’élan pour
terminer dans le grand toboggan intestin aux cent virages.
Et si vous donniez des noms à vos plats ? Une soupe d’épinard peut devenir
la « soupe de dragon », celle aux courgettes, la « soupe de crocodile », celle de
potimarron et de lentilles corail sera la « soupe de renard » où il faudra bien
ajouter la touche finale de lait de coco ou de crème fraîche crue pour dessiner sa
queue dans l’assiette. Amusez-vous, manger devrait être une fête. Réalisez des
petits bonhommes de carottes râpées avec des yeux « olive », une bouche « tomate », des oreilles « clémentines ».
Fabriquez un volcan de purée de patates douces en irruption grâce à la sauce du poulet rôti.
Les yeux bandés, votre enfant pourra essayer de deviner s’il s’agit de la
courgette, de l’aubergine ou du poivron dans la ratatouille. Il sera heureux de
gagner à tous les coups.
Dans les cantines : quoi faire en cas de sensibilité chez l’enfant ?
En cas de suspicion d’allergie ou d’intolérance alimentaire, le parent prend
rendez-vous avec le médecin traitant puis, si besoin, un allergologue ou un
gastro-entérologue, afin de bien valider son allergie et définir les précautions et
le traitement à prendre.
Un PAI ou Projet d’Accueil Individualisé sera mis en place. Il répertoriera les conditions d’accueil de l’enfant à l’école ainsi que les précautions à prendre en cas d’urgence. Ce document écrit doit être signé par le directeur, l’instituteur, le responsable de cantine, les parents et les médecins (traitant, scolaire et spécialistes). Il sera valable pour une année scolaire et devra être renouvelé tous les ans au besoin.
Cette mise en place de PAI peut devenir plus complexe si, lors d’une consultation avec un diététicien formé, des sensibilités alimentaires ou aux pesticides et additifs sont découvertes.
Dans ce cas, la mise en place du PAI pourra être facile ou devenir un parcours du
combattant. Une nette amélioration des symptômes chez l’enfant devrait suffire
à faire accepter des PAI en dehors de réactions allergiques ou d’intolérances
reconnues.
Malheureusement, l’absence de consensus scientifique sur certaines
thématiques reste un frein, notamment chez les enfants sensibles au gluten non
cœliaque (SGNC), maladie pourtant reconnue par l’OMS depuis 2002 ou encore
les enfants multi réactifs très sensibles aux additifs, malheureusement encore
retrouvés en nombre dans les cantines scolaires.
Vers une meilleure protection des enfants
Alors que les avancées des études scientifiques confirment les
présomptions fortes de liens entre certaines pathologies et l’exposition aux
pesticides, ces découvertes pourront orienter les actions publiques vers une
meilleure protection des populations et notamment une meilleure protection des
enfants.
Dans les cantines des écoles, en limitant les produits ultratransformés,
en privilégiant des pains au levain bio, plus digestes, et en augmentant la part du
bio bien sûr.
En tant que parent, si un doute persiste, il est préférable de réaliser un bilan
auprès de professionnels formés à l’accompagnement des enfants, certains étant
beaucoup plus fragiles face aux pesticides et additifs.